13.

La Baiserie était une grande ferme fortifiée à une demi-lieue au nord de Chenonceaux. Avec la pénurie de logements, le fermier proposait aux voyageurs peu exigeants sur leur confort quelques galetas avec une paillasse posée sur un lit de planches à partager à trois ou quatre. C’étaient essentiellement des domestiques pauvres qui s’installaient là, leur maître ne pouvant leur offrir une chambre au village où les prix étaient très élevés.

C’était à la Baiserie que logeaient Maurevert, son écuyer et les deux spadassins. Suffisamment éloignés du village et du château pour qu’on ne les remarque pas, ils ne se rendaient jamais aux auberges, jouant toute la journée aux cartes ou aux dés devant la cheminée de la ferme, ou s’entraînant à l’escrime dehors. Seul le valet Giovanni était allé au château porter une lettre à Mme de Montpensier le jour de leur arrivée pour lui dire où ils étaient.

Les quatre hommes trouvaient le temps long quand, le 6 octobre – ils étaient là depuis plus de cinq semaines –, une femme et un gentilhomme italiens de passage demandèrent s’il y avait une chambre de libre. Le fermier laboureur leur proposa la seule pièce qu’il lui restait. Un bouge mitoyen de la chambre de Maurevert, simplement séparé par une cloison de bois. Maurevert, à la fois méfiant, curieux et désœuvré s’intéressa aux nouveaux venus, si différents des autres locataires de la ferme. L’homme et la femme ne sortaient guère dans la journée et il se demandait qui ils étaient. Ils ne parlaient que très peu, ou en tout cas à l’abri des oreilles indiscrètes. Étaient-ils amants ? Rien ne l’indiquait bien qu’ils partageassent la même chambre et la même paillasse, mais c’était courant chez les voyageurs. Maurevert sut seulement qu’ils arrivaient de Paris. La femme avait un teint blafard et voyageait sur une haquenée. Maigre comme si elle relevait d’une récente maladie, elle ne s’exprimait que par quelques mots en italien. Quant au gentilhomme, avec son épaisse barbe et son regard dédaigneux, il avait un je-ne-sais-quoi du coureur d’aventures, bien qu’il soit policé et élégant comme un damoiseau de Cour, avec un pourpoint sans manches capitonné et une chemise rouge finement brodée. De quelle ville venait-il ? Milan, avait-il répondu en italien, la seule langue qu’il parlait. Mais était-ce vrai ? Maurevert avait aussi remarqué la lourde épée de duel que l’homme portait haut à la taille, comme les spadassins italiens, la main gauche à poignée de cuivre ciselée, les arquebuses de fonte à la selle et le mousquet sur le cheval de bât.

Chaque matin, le gentilhomme se rendait au village et en revenait au bout d’une heure. Certains soirs, la femme l’accompagnait et ils rentraient tard. Deux fois, Giovanni les suivit, mais ils allaient toujours à l’auberge des Trois-Rois pour dîner et ils ne parlaient à personne. Visiblement, il s’agissait de voyageurs qui attendaient quelqu’un, aussi, au bout de quelques jours, Maurevert ne s’intéressa plus à eux.

Lorsque le couple se rendait à Chenonceaux, la femme portait un masque – ce n’était pas inhabituel – et se couvrait d’un grand manteau à capuchon. À l’auberge, ils s’installaient à l’écart et n’échangeaient que quelques rares mots.

Un client observateur aurait remarqué qu’il ne venait que les jours où la troupe des Gelosi jouait au château. C’est en effet pour obtenir ce renseignement que le gentilhomme se rendait chaque matin au village.

Car les Gelosi ne jouaient que deux ou trois fois par semaine, en alternance avec les concerts ou les ballets. Le spectacle terminé, la joyeuse bande rentrait à leur auberge pour souper. Les comédiens occupaient toujours la même table, fort éloignée de celle des deux voyageurs, mais sous son masque la jeune femme ne les perdait pas de vue.

Ce soir-là, on était le 10 octobre, la salle de l’hôtellerie était enfumée et bruyante. Bien que le souper ne fut pas encore terminé, Isabella Andreini se leva soudain en s’excusant :

— Mes amis, j’ai très mal dormi cette nuit, je tombe de sommeil, aussi vais-je me coucher.

Son mari proposa de la raccompagner, mais elle refusa, préférant le laisser avec ses compagnons. Elle se dirigea au bout de la salle, jusqu’à l’escalier de bois qui conduisait aux chambres des étages. À peine s’y était-elle engagée que la femme masquée se leva à son tour pour la suivre.

Avec la foule dans la salle, personne ne remarqua rien. Au deuxième étage, Isabella s’arrêta devant la porte de sa chambre quand une voix l’interpella :

— Isabella !

À ce mot, la comédienne ressentit une si violente secousse que son cœur s’arrêta de battre un instant. La voix était celle d’une morte !

Tremblante, elle se retourna lentement. La morte s’avançait vers elle, le visage hâve, livide, comme tous les spectres. Isabella essaya de crier mais, muette d’épouvante, elle ne put émettre aucun son.

— Isabella, c’est moi, Gabriella ! dit doucement le fantôme, comme pour la rassurer. Je suis désolée si je t’ai fait peur.

— Va-t’en ! Tu es morte ! implora Isabella d’un ton perçant.

— Non, Isabella, je suis vivante ! J’ai été soignée. Ma blessure a guéri.

Peu à peu, la terreur se changea en stupéfaction sur les traits épouvantés d’Isabella Andreini. Elle se détendit enfin, tout en restant en pleine confusion.

À ce moment, la morte s’était tellement rapprochée qu’elles se trouvaient face à elle.

— Je suis vivante, Isabella ! Touche mes mains, insista-t-elle.

Elle obéit. En sentant cette douce chaleur, Isabella se calma d’un coup et un mélange de surprise et de joie se peignit sur ses traits.

— Est-ce possible ? Comment es-tu venue jusqu’ici, Gabriella ?

— Accompagnée d’un gentilhomme du duc de Mantoue. Il faut que je te parle, Isabella, mais à toi seule.

— Entrons !

La comédienne sortit une clef de sa robe et ouvrit la porte.

La chambre était froide et humide. Isabella entraîna son amie vers le lit où elle la fit asseoir :

— Raconte-moi tout !

— Quand j’ai repris conscience, on m’a dit ce qui s’était passé. Je ne me souvenais de rien. Je souffrais affreusement. On m’a annoncé que les Gelosi étaient partis, puis que tu t’étais évadée. Le duc m’avait installée dans une chambre du castello di San Giorgio et venait me voir chaque jour. C’est un homme sévère, et intransigeant, mais soucieux de la vérité. Le vice-podestat Beltramino Crema est venu aussi me montrer le couteau, tu sais celui à la lame qui disparaît. Quelqu’un avait ouvert le manche et placé un morceau de bois en sorte que la lame ne pouvait plus entrer dans le manche. Quand tu m’as frappée, c’était un vrai coup de couteau !

— Qui a pu faire ça ? balbutia Isabella, épouvantée.

— Un Gelosi, forcément ! C’est pour ça que je voulais te parler seule. Tu es la seule qu’on ne peut suspecter !

— Ni Flavio ni mon mari… Ni même les autres… Pourquoi quelqu’un aurait-il fait ça ? Tu es certaine ?

— Oui, j’ai vu la lame démontée ! Ce ne peut être qu’un Gelosi !

Isabella resta muette, incapable d’imaginer un de ses compagnons comme un assassin. Pourquoi l’un d’eux l’aurait-il fait passer pour une criminelle ? Elle frissonna en se souvenant de l’abominable torture qu’elle avait subie. Qui avait pu souhaiter qu’elle soit traitée ainsi ?

— Tout est étrange dans cette histoire, Isabella. Le vice-podestat m’a raconté ton évasion. Les Gelosi avaient déjà quitté la ville…

— Je sais. C’est Ludovic… C’est lui qui m’a sauvée !

— Sauvée ? Attends au moins que je te raconte ce qui s’est passé. Le vice-podestat a interrogé le concierge de la Torre communale. Mis à la question, il a reconnu avoir été payé et a donné un nom : celui d’un changeur du quartier juif. Celui-là a aussi été interrogé mais a tout nié. Il n’était pas possible de le torturer, car il prête à trop de monde et il a des amis puissants. Mais il a une certaine réputation : il serait un agent de la banque Carnesecchi, à Florence, un fidèle de Catherine de Médicis.

— C’est Catherine de Médicis qui nous a fait venir en France, murmura Isabella.

— Je sais, j’étais avec vous en Espagne quand Flavio a reçu l’invitation et l’a refusée. Le vice-podestat a retrouvé nos compagnons qui n’ont pas voulu partir en France avec vous. Ce sont eux qui lui ont dit que vous seriez les bienvenus à la cour de France. Ludovic s’y était engagé. Ludovic qui venait d’entrer dans la troupe. Ce même Ludovic qui t’a fait évader.

— Tu veux dire…

— C’est lui qui a modifié le couteau ! J’en suis persuadée, et le vice-podestat aussi. Tu sais, Crema est un policier d’une grande probité. Il se reprochait tant de t’avoir soumise à la torture.

— Il aurait pu ne pas le faire ! grinça Isabella.

— Lui et monseigneur Guglielmo Gonzaga ont regretté sincèrement, Isabella. Tu dois leur pardonner. Le duc a fait enregistrer une lettre de grâce que je t’ai portée. Rentre en Italie. Il t’attend à Mantoue et te remettra une indemnité de mille florins.

— Mille !

— Oui ! Comme je voulais te dire que j’étais vivante et te mettre en garde contre Ludovic, il m’a confiée à un gentilhomme de sa maison, le seigneur di Castello, qui m’a accompagnée à Paris avec d’autres voyageurs, car je n’aurais pu venir seule.

— J’ai pensé à toi chaque jour et chaque nuit, Gabriella. J’ai prié et fait dire des messes. Je ne pouvais supporter d’être une criminelle…

— Tu ne l’étais pas, Isabella ! dit son amie en l’embrassant. À Paris, j’ai appris que les Gelosi étaient partis avec la reine pour Orléans et Chenonceaux, pour-suivit-elle. Je vous ai suivis et depuis quelques jours j’attendais cette occasion de te parler seule à seule.

— Tu vas rejoindre la troupe ?

— Non ! Pas tant que je ne saurai pas ce qui s’est passé. Je rentre à Mantoue avec le seigneur di Castello. Pour l’instant, je suis heureuse avec lui, je n’ai plus besoin de jouer la comédie. Mais prends garde à toi. Je sens qu’une épouvantable entreprise se trame autour de toi et des Gelosi. Pour quelle raison la reine voulait-elle tant vous avoir près d’elle ?

— Nous sommes les meilleurs ! tenta de plaisanter Isabella. Tout le monde est jaloux de nous : Virtù, fama ed honor ne fer gelosi !

Elle redevint sérieuse en lançant un regard d’inquiétude à son amie.

— J’ai rencontré la reine plusieurs fois, seule avec elle.

— Toi ? Comment est-ce possible ?

— Je ne sais pas… La reine est si bonne avec moi… Elle souhaite que j’accueille le roi de Navarre après la représentation que nous donnerons pour lui.

— Le roi de Navarre ? Mais on dit qu’il ne viendra peut-être pas ici…

— Quelle importance ? Les Gelosi suivront la Cour.

— Pourquoi veut-elle que tu accueilles ce roi ?

— La reine m’a dit que je ressemble à sa grand-mère, Marguerite, qu’il me fera confiance.

Gabriella resta silencieuse. Mais Isabella, qui lui tenait la main, se rendit compte que celle-ci était devenue glacée.

— … Et si c’était pour cela qu’elle t’avait fait venir ? suggéra doucement Gabriella.

Isabella frissonna, l’esprit en pleine confusion.

Gabriella venait de lui apprendre trop de choses à la fois et de raviver les horreurs qu’elle avait connues… Elle éprouvait un immense bonheur en découvrant que son amie était vivante mais, en même temps, elle prenait conscience qu’elle n’était peut-être qu’un instrument entre les mains de la reine mère. Elle était italienne, elle écrivait des tragédies et n’ignorait rien tant de l’histoire antique que de celle, récente et violente, des villes de son pays. Soudain, la vérité la frappa avec violence : la reine ne voulait pas rencontrer le roi de Navarre pour négocier avec lui, mais pour l’assassiner, et elle, Isabella, serait d’une façon ou d’une autre un instrument dans ce crime. C’est elle qu’on accuserait… Tout recommencerait comme à Mantoue !

Elle se leva brusquement et regarda son amie dans les yeux. À son expression, elle comprit qu’elle aussi avait deviné.

— Que faire ? Dois-je partir ?

— Essaie d’en savoir plus auparavant, conseilla Gabriella. Tu pourrais fouiller les affaires de Ludovic, il y a certainement des papiers intéressants. Au fait, rencontre-t-il souvent la reine ?

— Je ne sais pas, c’est impossible à savoir ici. Il y a trop de monde. Mais tu as raison, je vais fouiller son coffre demain. Revoyons-nous ici, dans deux jours. Tu peux rester jusque-là ?

— Oui. Je reviendrai ici, à la même heure.

— Si j’ai la preuve d’un complot, je partirai avec toi à Mantoue et les Gelosi me suivront.

En rentrant à la ferme, Gabriella Chiabrera et l’officier du duc de Mantoue montèrent immédiatement dans leur chambre. Gabriella se déshabilla sans gêne, car ils étaient amants, et revêtit un manteau de nuit. Elle avait à peine terminé quand elle entendit une voiture entrer dans la cour de la ferme. L’officier italien s’approcha de la fenêtre et aperçut un coche tiré par quatre chevaux précédé de deux cavaliers porteurs de flambeaux. C’était très inhabituel.

Le couple entendit ensuite du bruit dans la maison, puis ils reconnurent la voix de leur voisin et distinguèrent les paroles d’une femme. C’était sans doute elle qui était arrivée en coche.

— Quel froid ! se plaignit la voix féminine, vous n’avez donc pas de cheminée ?

— Non, madame la duchesse, répliqua Maurevert.

Une duchesse ? s’interrogea Gabriella qui comprenait parfaitement le français.

— Peut-on nous entendre ici ? s’inquiéta Mme de Montpensier.

— Nos seuls voisins sont des voyageurs italiens qui ne comprennent pas notre langue, madame.

— C’est parfait ! Il aurait été déplaisant d’aller parler dans mon coche avec ce froid ! La dernière fois que je vous ai vus, j’avais envoyé Cabasset à mon frère Charles de Mayenne pour tirer au clair les relations entre Hauteville, Poulain et Mme de Limeuil, ainsi que le rôle que vous avez joué à Paris. Mais Cabasset ne revenait pas, et je commençais à douter de le revoir. Il est enfin arrivé ce soir. Il avait été capturé par une bande de huguenots qui ont voulu le pendre, mais il est parvenu à les convaincre qu’il pouvait leur payer une rançon. Charles a fait porter la somme et ils l’ont libéré.

» Cabasset m’a remis une lettre de mon frère qui m’explique les raisons pour lesquelles il a fait appel à vous, je comprends désormais les rôles respectifs de Hauteville, de Poulain et de la Limeuil… Nous en reparlerons…

Dans une lettre chiffrée, le duc de Mayenne avait en effet raconté ce qu’il savait de la fraude sur les tailles conduite par le receveur Salvancy au profit de la Ligue et de leur frère Guise. Il y affirmait que l’argent détourné avait été repris par Hauteville qui l’avait donné à M. de Mornay, sans doute avec la complicité du banquier Sardini. Tout cela, bien sûr, la duchesse ne voulait pas le dévoiler devant les deux spadassins italiens.

— Mon frère rentrera à Paris quand il aura pris quelques dernières maisons fortes. Il m’a suggéré d’enlever Cassandre de Mornay. Avec elle en otage, il serait possible de gouverner son père et, ainsi, de piéger facilement le roi de Navarre.

— Tout cela me paraît bien hypothétique, grimaça Maurevert. Cette fille habite à Montauban, l’une des villes huguenotes les mieux fortifiées de France. Nous allons l’attaquer avec M. Cabasset et le maestro ?

— Ce sera plus facile que vous ne le pensez. Hauteville a dans sa malle de voyage des lettres de Cassandre de Mornay. Cabasset, qui les a lues, va en voler une. Il prendra aussi quelques papiers écrits par Hauteville. Nous rejoindrons mon frère qui fera écrire par son secrétaire, un homme qui imite toutes les écritures, une fausse lettre de Hauteville suppliant Cassandre de suivre celui qui la portera.

— Vous croyez qu’elle se laissera prendre à un piège aussi grossier ? demanda Maurevert avec une moue de scepticisme.

— Oui, le porteur de la missive sera un de mes gentilshommes qui lui dira qu’Olivier l’attend à la sortie de Montauban. Pour preuve de sa bonne foi, il remettra à mademoiselle de Mornay l’une de ses lettres subtilisées par le capitaine Cabasset. J’y ai bien réfléchi. Ce plan ne peut échouer.

— Peut-être… fit Maurevert en dodelinant de la tête. Mais nous ne sommes pas très nombreux pour aller jusqu’à Montauban, et que ferons-nous ensuite ?

— Je demanderai cinquante hommes d’armes à mon frère. Avec notre otage, nous irons à Saint-Maixent. C’est sans doute là que Navarre rencontrera la reine. Entre-temps j’aurai fait parvenir un courrier à Mornay lui ordonnant de suivre mes instructions s’il veut revoir sa fille.

— Il refusera ! assura Maurevert d’un mouvement d’épaules.

Maurevert avait raison et la duchesse le savait. Il paraissait difficile de croire que Mornay sacrifie sa foi en Navarre pour sa fille, bien que ce ne soit pas totalement impossible. Mais Cassandre n’était pas qu’une otage pour la sœur du duc de Guise, elle était aussi un obstacle dont la duchesse voulait se débarrasser pour gagner le cœur d’Olivier Hauteville.

— S’il refuse, vous la tuerez, laissa-t-elle tomber.

— Soit ! soupira Maurevert. Mais avez-vous pensé que Navarre pourrait rencontrer la reine pendant que nous sommes sur les routes ?

— J’en ai parlé à M. de Nevers et au maréchal de Retz. À l’allure où avancent les négociations, c’est peu probable. La reine attend un accord de Navarre pour aller jusqu’à Saint-Maixent. Sa réponse n’arrivera pas avant une semaine ou deux, ce qui repoussera sa venue à la Cour à au moins un mois. Nous serons de retour avec l’otage.

— Quand partons-nous ? s’enquit Maurevert, finalement pas mécontent de quitter la ferme où il se morfondait.

— Dès que Cabasset aura pris les lettres dans les bagages de Hauteville.

Le lendemain, les Gelosi ne jouaient pas mais préparaient leur prochain spectacle. On leur prêtait pour cela une grange abandonnée, non loin du village. Pour répéter, certains s’étaient vêtus de leurs habits de scène et avaient laissé leurs manteaux accrochés à une cloison. Isabella parvint à fouiller ceux des comédiens qui partageaient la chambre de Ludovic. Dans la poche de l’un d’entre eux, elle trouva la clef de la chambre. Pendant que Ludovic jouait, elle fouilla aussi son manteau, mais il n’y avait pas la clef de sa malle. Il devait la garder dans son pourpoint, ou attachée à son cou, se dit-elle, dépitée. Elle essaya de se souvenir du genre de coffre qu’il avait… Une grosse malle en bois, assez vieille. Pouvait-elle être restée ouverte ? Sinon, elle pourrait peut-être la forcer ? Après tout, il croirait à un voleur…

Elle alla prévenir son mari qu’elle avait un fort mal de tête et qu’elle rentrait à leur auberge. Depuis les tortures qu’elle avait subies, Isabella était sujette à de telles douleurs et on ne s’inquiéta pas de son départ.

Elle revint au village, entra dans l’auberge et pénétra dans la chambre des comédiens. Leurs coffres étaient le long des murs. Elle alla droit à celui de Nicolas, une malle cerclée de lames de fer avec de gros clous.

La serrure paraissait bien rouillée et le coffre vermoulu. Elle chercha un outil dans la chambre, en vain. Elle alla donc dans sa propre chambre chercher une dague de chasse de son mari.

Pour briser la serrure, elle dut monter sur le coffre afin d’exercer une pression suffisante avec la lame. Enfin elle parvint à l’ouvrir. À l’intérieur, il y avait des vêtements, des costumes de scène et des masques ainsi qu’un couteau et un pistolet à rouet. Au-dessous de tout cela se trouvaient plusieurs lettres d’un seigneur nommé Claude Gouffier, marquis de Caravaz, à Mme Vincenza Armani. Elle les parcourut. Dans l’une d’elles, Claude Gouffier écrivait à Mme Vincenza Armani qu’il avait pris des dispositions pour que leur fils ne soit jamais dans le besoin. Un autre feuillet était la copie d’un acte notarié signé Claude Gouffier, grand écuyer de France, seigneur d’Oiron, qui cédait le fief de Garde-Épée à Jacques Ancellin, marchand à Beauvais, avec l’autorisation d’édifier une maison à créneaux dénommée L’Espée de Garde. Un dernier feuillet était un plan sommaire qui délimitait le fief avec une ligne entre un carré noté L’Espée de Garde et un autre noté Notre-Dame.

Tout cela n’était pas très clair. Isabella savait que Ludovic était le fils de Vincenza Armani, une des grandes comédiennes des Desiosi. Ces documents semblaient montrer que Ludovic était aussi le fils naturel de ce Claude Gouffier. Mais pourquoi Ludovic n’avait-il pas fait valoir ses droits ? Sans doute y avait-il eu une difficulté inattendue, se dit-elle, mais comme ces papiers ne concernaient en rien l’affaire de Mantoue, elle les remit soigneusement en place.

De retour à la grange, elle eut le temps de replacer la clef dans la poche du manteau où elle l’avait prise. Plus tard Ludovic découvrirait qu’on avait forcé son coffre, mais elle jugea que c’était sans importance.

Effectivement, Ludovic s’en aperçut le soir même et s’affola. Il vérifia soigneusement le contenu du coffre. Or, il ne manquait rien. Qui l’avait forcé ? Un de ses compagnons ? Mais pourquoi maintenant ? Quelqu’un de l’hôtellerie ? Mais les coffres de ses voisins n’avaient pas été brisés, alors qu’ils étaient aussi fermés à clef.

Un frisson le parcourut comme l’évidence s’imposait : c’est après lui qu’on en avait ! C’est alors que son regard fut attiré par un minuscule morceau de tissu turquoise, une déchirure de broderie de robe accrochée à un des clous des ferrures. Une servante ?

C’était l’heure du souper. Ne pouvant rien découvrir de plus, il descendit dans la salle commune. En bas, il commença à examiner les robes des femmes. Ressentant alors la vague impression qu’on le regardait, il se retourna avec indifférence et découvrit que c’était Isabella Andreini. Elle détourna le regard et se rendit à leur table tandis qu’il remarquait l’accroc en bas de sa robe turquoise.

C’était elle ! Mais pourquoi avait-elle fouillé son coffre ?

Il resta taciturne durant le repas, l’esprit ailleurs. Angoissé, il se souvenait de ce qu’avait dit Flavio après l’évasion, des menaces qu’il n’avait jamais cessé de répéter : s’il attrapait celui qui les avait fait emprisonner, et qui était responsable des tortures d’Isabella, il le découperait en lanières. Ludovic savait que cette menace était à prendre au pied de la lettre.

Mais pour l’instant, Isabella n’avait fait que fouiller ses affaires après avoir certainement obtenu la clef de la chambre d’un de ses compagnons. Comme il ne possédait rien de compromettant, il n’était pas en danger. Il décida pourtant de la surveiller, car si elle avait agi ainsi, c’est qu’elle le soupçonnait. S’il le fallait, il la ferait disparaître avant qu’elle ne l’accuse.

Le lendemain, il ne la quitta pas des yeux. Bien qu’elle parût ne jamais faire attention à lui, il remarqua qu’elle l’évitait.

Le soir, après les répétitions, il la vit se lever au milieu du repas en déclarant qu’elle était fatiguée et qu’elle allait se coucher. Se souvenant qu’elle s’était comportée ainsi deux jours plus tôt, il remarqua la femme masquée qui se levait aussi, à l’autre bout de la pièce, et qui empruntait l’escalier derrière Isabella.

Feignant une quinte de toux, il quitta la salle à son tour.

En haut de l’escalier, il se dirigea vers la chambre d’Isabella et colla son oreille à la serrure.

— Tu n’as rien trouvé ? entendit-il.

— Non, Gabriella. Il n’y avait que des vêtements et des papiers sans importance.

— Cela veut seulement dire qu’il est prudent.

Il reconnaissait cette voix : c’était celle de Gabriella Chiabrera ! Elle était donc vivante ! Et comment pouvait-elle être ici ?

— Tu devrais malgré tout rentrer à Mantoue avec nous, dit-elle.

Entendant du bruit dans l’escalier, Ludovic se précipita dans sa chambre et n’entendit pas la suite de la discussion.

— Comment convaincre Flavio et mon époux ? Certes ils seront aussi soulagés que moi de te savoir vivante, mais je ne veux pas accuser Ludovic sans preuve. Flavio le tuerait. Et s’il est innocent, j’aurai à nouveau un crime sur la conscience. Je vais être très prudente, rassure-toi. Je ne parlerai pas de toi, et à la première crainte que j’ai, nous partirons.

— Tu sais que mille florins t’attendent à Mantoue ! dit Gabriella en souriant.

Les deux femmes s’embrassèrent. En se dirigeant vers la porte, Gabriella ajouta, l’air soucieux :

— Un curieux incident a eu lieu hier soir à la ferme de la Baiserie où je loge. Un coche est arrivé dans la nuit et une femme a rejoint nos voisins de chambre. Une duchesse.

— Il y a la duchesse de Retz ici, et la duchesse de Montpensier. Laquelle était-ce ?

— Je ne sais pas… mais elle a parlé de son frère le duc de Mayenne.

— C’était donc la duchesse de Montpensier, dit Isabella, continue…

— Nos voisins sont des gens étranges, ils sont quatre : deux Italiens, un jeune homme et un vieil homme boiteux. Ils ne sortent jamais sinon pour s’entraîner à l’escrime. Ce sont plutôt des spadassins, tu vois. À travers la cloison, j’ai surpris leur conversation. La duchesse leur demandait de partir à Montauban pour enlever une femme nommée Cassandre. La fille d’un M. de Mornay. Ils veulent attirer le roi de Navarre dans un piège. J’ai écouté, car j’ai d’abord pensé que ce qu’elle disait avait un rapport avec les Gelosi, mais ils n’en ont pas parlé, ni de la reine. Il semble qu’il s’agisse d’un autre complot.

— Cela ne m’étonne pas, la Cour n’est qu’intrigues et luxure ! répliqua Isabella en secouant la tête. Ton histoire est bien triste pour cette pauvre fille qui va se faire enlever, mais je ne veux pas m’en mêler. D’ailleurs, à qui en parler ? À la reine ? Je n’aurais que ton témoignage… Et ça nous entraînerait trop loin…

— Je ne veux d’ailleurs pas témoigner, je serai partie demain. Je t’ai juste raconté ça pour que tu le saches, rien d’autre, peut-être cela aura-t-il de l’importance plus tard…

— J’ai bien peur que d’ici l’arrivée du roi de Navarre, il se passe bien d’autres choses épouvantables, mais nous ne sommes que des comédiens, cela ne nous regarde pas. Porte-toi bien, Gabriella.

— Toi aussi, Isabella.

Ludovic parcourait sa chambre comme un lion en cage. Sa première résolution avait été de s’enfuir. S’il tombait entre les mains des Gelosi, c’en était fini de lui. Puis il se raisonna, s’il avait à fuir, il devait préparer sa fuite. Cela allait lui prendre quelques jours. Après tout, Isabella ne l’avait pas encore dénoncé, car elle n’avait pas de preuves… et elle n’en aurait jamais. Donc, il avait du temps devant lui. En se calmant, il en revint même à sa première idée : s’il trouvait une occasion favorable, il se débarrassait d’elle. Pourquoi pas un accident dans le voyage ? Ce serait mieux que de fuir, car il n’avait aucune idée de l’endroit où il serait à l’abri de la vengeance des Gelosi. Quant à Gabriella, puisqu’elle rentrait à Mantoue, elle n’était plus un danger, pour autant qu’il n’aille pas en Italie.

Il songea un instant à demander la protection de la reine avant de se raviser. Elle n’avait plus besoin de lui maintenant que les Gelosi étaient en France, et s’il devenait gênant, elle le ferait disparaître d’un coup de poignard.

Il décida donc de rester tout en cherchant une opportunité pour se débarrasser d’Isabella.

Le lendemain, samedi, la duchesse de Montpensier demanda à la reine l’autorisation de rentrer à Paris. Ce voyage l’avait affaiblie, se justifia-t-elle, et elle voulait rejoindre son frère Guise pour se reposer. La reine accepta, pas fâchée de la voir partir.

Dans la journée, tandis qu’Olivier et son commis travaillaient dans la tour des Marques sur les comptes de l’intendance, Cabasset s’introduisit dans sa chambre et subtilisa les papiers qu’il cherchait.

Le lundi, Nicolas Poulain et son lieutenant reçurent la visite du fermier de la Baiserie. Comme tous ceux qui logeaient des gens de passage, le fermier devait signaler au prévôt de l’hôtel l’arrivée et le départ des voyageurs qu’il hébergeait. Il le faisait une ou deux fois par semaine, apportant leur passeport, ou, s’il ne pouvait le faire, demandant à ses visiteurs de se présenter eux-mêmes au prévôt ou à son lieutenant.

C’est ce qu’avait fait le gentilhomme italien qui était venu voir le lieutenant de Poulain, expliquant moitié en français, moitié en italien qu’il faisait étape pour quelques jours à Chenonceaux, sa compagne étant malade. Son passeport était en règle et indiquait qu’il se nommait Castello et qu’il était gentilhomme de la chambre du duc de Gonzague, le frère de Nevers.

Le lieutenant de la prévôté de l’hôtel s’était étonné qu’il loge dans cette ferme inconfortable, mais l’Italien l’avait rassuré. Incidemment, il lui avait d’ailleurs indiqué qu’il n’était pas le seul gentilhomme à la ferme.

Sur le coup, le lieutenant n’avait pas relevé cette remarque, mais maintenant que le fermier était devant lui, il demanda sans chercher malice :

— Qui est cet autre gentilhomme dans votre ferme dont m’a parlé le seigneur Castello ?

Le fermier parut d’un coup pétrifié.

Il n’avait jamais déclaré qu’il logeait Maurevert et ses spadassins. Maurevert lui avait donné trois écus pour son silence et l’avait menacé de trois coups de dague s’il ne le respectait pas. Mais ne pas avoir appliqué les règlements de police pouvait maintenant lui valoir le fouet et le pilori.

Habituellement, Nicolas Poulain n’assistait pas aux visites des logeurs, laissant son lieutenant ou des sergents s’en occuper. Aujourd’hui, il attendait la visite d’Olivier pour examiner avec lui les achats de ravitaillement. En effet, avec la pénurie de nourriture, les marchandises étaient de plus en plus chères et l’intendant de la reine s’était plaint.

Nicolas Poulain ne prêtait guère attention au dialogue entre son sergent et les visiteurs mais fut troublé par l’attitude de ce fermier, visiblement terrorisé.

— Qui est ce gentilhomme ? demanda-t-il, intrigué.

— Je… Il n’est pas resté, monsieur le Prévôt… C’est pour cela que je n’en ai pas parlé… Il n’a passé qu’une nuit, implora le fermier.

— Il vous a présenté son passeport ?

— Oui, monsieur le Prévôt. Je n’ai pas eu le temps de venir… et il aurait dû passer vous voir…

— Où est-il maintenant ?

— Il est parti, monsieur le Prévôt.

Croyant éviter les ennuis en mentionnant la sœur du duc de Guise, il ajouta :

— Il rejoignait Mme la duchesse de Montpensier.

Cette remarque surprit encore plus Nicolas Poulain.

— Comment le savez-vous ? Ils vous l’ont dit ?

— Oui, monsieur le Prévôt, la duchesse est d’ailleurs venue le voir.

— À votre ferme ?

Que la duchesse se soit rendue dans cette ferme malpropre de la Baiserie était invraisemblable ! se dit Poulain, ou alors, elle avait quelque chose à cacher !

— Comment s’appelait ce gentilhomme ? insista-t-il.

— M. Le Vert, déglutit le fermier.

— Le Vert ! s’étouffa Poulain, sous le coup de la surprise.

L’année précédente, après que des truands commandés par un homme boiteux et manchot eurent attaqué la maison d’Olivier, Nicolas Poulain s’était rendu à l’auberge de la Tête Noire où l’un des brigands, blessé et prisonnier, lui avait avoué que logeait le boiteux. Là, il avait appris que celui-ci se nommait Le Vert.

— Décrivez-moi ce gentilhomme !

— Euh… Il avait une épaisse barbe blanche, c’était difficile de distinguer ses traits… Il boitait, et il avait une main ou un bras en moins.

Un manchot barbu et boiteux nommé Le Vert : c’était lui ! comprit Poulain, qui se souvint en même temps du cavalier aperçu sur la route de Blois. Que préparait-il avec la duchesse de Montpensier ? Était-ce à lui et à Olivier qu’ils en avaient ?

— Il était seul ?

— Non, monsieur le Prévôt, murmura le fermier. Il y avait aussi deux Italiens et un jeune homme.

— Vous savez que vous méritez la corde ?

— Pitié, monseigneur ! gémit le fermier en tombant à genoux. Je sais que j’ai fauté, mais ils m’avaient menacé…

— Dites-moi tout ce que vous savez !

Un peu plus tard, quand le fermier fut reparti avec un sévère avertissement de fouet et de pilori s’il récidivait, Nicolas raconta l’histoire à Olivier.

— Cet homme est après nous ! s’exclama Olivier.

— Peut-être est-il simplement au service des Guise, chargé de la protection de la duchesse… Cela expliquerait qu’il soit avec des spadassins, suggéra Poulain sans y croire.

Olivier secoua négativement la tête.

— Il y a quelque chose que je ne t’ai pas dit, Nicolas, car je pensais que c’était sans importance. Tandis que j’étais à Blois, avec Mme Sardini, quelqu’un a forcé mon coffre.

— Le Bègue n’a rien remarqué ?

— Non, mais il n’est pas souvent dans notre chambre.

— Qu’a-t-on pris ?

— Rien, justement ! C’est cela qui est étonnant. Comme si on voulait juste savoir ce que je transportais… Ou qui j’étais…

— Ce pourrait être ce Le Vert, en effet. Mais jusqu’à présent, il avait cherché à te tuer, pourquoi n’a-t-il pas recommencé s’il t’a identifié ?

— Je contrôlais les tailles royales à ce moment-là et je gênais la Ligue. Maintenant, il n’aurait aucune raison, sinon une vengeance. Mais je reconnais que cette fouille est incompréhensible.

— Je vais donner son signalement à tous les gardes, conclut Poulain. Tout cela est fort inquiétant.

Quelques jours plus tard, la reine convoqua son prévôt pour lui annoncer que bien qu’elle soit torturée par la goutte, la Cour partirait sous peu pour Saint-Maixent. Elle lui demanda de prendre toutes les précautions nécessaires pour ce voyage. Le cortège passerait par Loches, où elle se reposerait quelques jours, et chaque soir l’étape se ferait dans un château fortifié. Le duc de Retz protégerait la Cour avec une petite armée, tant il craignait un coup de main de Navarre.

Nicolas Poulain l’assura de sa diligence. La seule difficulté qu’il éprouvait, remarqua-t-il, était le ravitaillement. Les marchands et les cabaretiers avaient de plus en plus de mal à approvisionner la Cour, quant au fourrage, il était hors de prix.

La guerre des amoureuses
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